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Aux jolis souvenirs

22 octobre 2020

"Mama got the blues all about em"

Novembre 2019. 

Je t'y ai invité ma tendre Maud à ce concert de CW Stoneking. Je te vois courir dans la rue me rejoindre dans cette longue queue qui s'impatientait du retard de l'artiste. Tu es souriante, enjouée, curieuse de découvrir ce chanteur de blues si injustement méconnu. Je suis si heureuse de te le faire découvrir, de te faire découvrir mon monde, mon univers de connaisseuse de celui que l'on ne connait que trop peu. 

Moi, ça fait des années que je veux le voir en concert. 

L'artiste arrive enfin ! Il a semble t il bu...

Nous allons nous chercher deux verres de vin comme si nous étions des grandes dames de la haute société. Comme quand nous étions adolescente, tu te souviens ? Nous nous inventions un univers élitiste, moi perchée sur mes talons trop haut, toi comédienne en quête de gloire, nous découvrant Billie Holiday, Chet Baker et tant d'autres...! Nous, parlant de ces garçons qui nous plaisaient et qui nous faisaient vivre bien des misères par leur inconstance légendaire et éternelle. Mais nous étions au-dessus, n'est ce pas? De vraies Carrie Bradshaw face à des mister Big. Nous avions tous les attraits des femmes tout en restant des petites femmes. 

Et nous voilà femme maintenant. Réellement femme. Avec des traits d'adolescentes. Et des chemins de vie bien différents...

Nous nous installons dans la salle de concert. Nous rions, nous selfisons, nous buvons. 

Les lumières s'éteignent. Et le voilà l'artiste ! Il est seul sur scène. Humble. Il n'a pour seul accompagnement qu'une guitare à la main. Le projecteur éclaire sa frêle silhouette.

Quelques notes de blues sur sa guitare. 

Puis un déchirement : "Mama got the blues all about em ; Ain' no tellin' what, we's gonna do, Can't stop this feelin". 

La puissance de son cri mélancolique m'empoigne ! Mon estomac est noué et des larmes coulent. Le mot "émotion", pourtant intangible, prend toute sa forme dans sa voix rauque et douloureuse. 

C'est à croire que le blues parle vraiment à l'âme. 

"It's all about to change, that's what they're sayin', Where we gonna run to".

J'espère que ce blues, tendre Maud, a pu te parler. Ce blues qui est le reflet de notre histoire. Qu'il reste gravé en toi à tout jamais comme une pensée bienveillante et d'amour inconditionnel à ton égard.

Et n'oublie pas la fin: "It's alright".

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21 octobre 2020

Sur la plage à Tel aviv

Aout 2019. 

Tout est encore possible. Je porte dans mon âme cette douleur indicible de la rupture. Encore choquée par mon courage de mettre fin à cette longue relation de 12 ans, à 33 ans, presque 34, sans enfant, sans rien, nue et dépossédée d'une partie de mon être. 

Je suis avec la belle Hélène. La merveilleuse Hélène. Cette femme à la beauté froide, à la beauté d'ébène, à la peau blanche d'une poupée en porcelaine. Cette grande Femme. D'une intelligence, d'une sensibilité, d'une profondeur remarquable qui traverse la même violence que moi. 

Nous nous sommes retrouvés par le plus grand des hasards en Israel. C'est comme si le destin avait arrangé ces retrouvailles. Comme si, enfin, le destin faisait bien les choses et nous rendait justice. 

Je connais Hélène depuis mes 18 ans. Nous étions à la même fac. Nous traversions aussi toutes les deux, en même temps, une autre violence. Une violence dont il ne faut pas parler et qu'il faut taire à tout jamais. Nous nous battions pour la gueuler, nous faire entendre ! Hélas ! Personne ne nous écoutait. Aussi, nous nous sommes écouté en fumant clope sur clope comme pour donner de la consistance à nos cris. 

En cette soirée d'aout 2019 à Tel aviv, la chaleur est accablante. Mais nous nous sommes réfugiées dans un bar sur la plage, pieds nus, embrassées par l'humidité de la mer. Nous buvons un verre. Puis deux. Nous nous enivrons de cette nouvelle liberté de femmes embrassant leur célibat de trentenaire. Ce célibat mal vu et condamné par cette société patriarcale qui ne voit en la femme qu'une mère pondeuse et dévouée, prête à accepter l'indifférence masculine pour rentrer dans la case bienséante. 

Ce soir là, on se délecte de cet alcool. Nous nous taisons. "Du jazz" m'écriais-je en voyant ces musiciens jouer près de nous ! Combien j'aime le jazz ! Cette musique centenaire qui porte en elle la délivrance, le souffle de la liberté humaine retrouvée. Le jazz, c'est aussi la bataille pour l'égalité. C'est aussi l'improvisation de la joie.

Alors, j'improvise la joie !

Je me lève et je vais danser. Je ne suis pas seule à danser. Trois petits bonshommes dansent aussi: deux petites filles, un petit garçon. On ne parle pas la même langue. Mais ce n'est pas grave. Je leur attrape les mains ! Et je les fais tournoyer. Je les imite. Ils m'imitent. On tourne en rond. On éclate de rire. On saute. On bouge les fesses. On balance nos pieds. On fait les fous. Ils doivent sans doute se dire "mais qui est cette petite fille dans ce corps d'adulte". 

C'était le temps où le corona n'existait pas. 

Et je me souviens du regard de ce petit garçon. Il me fixait de ses beaux yeux verts avec un sourire indéfectible. Comme impressioné. Subjugué. Etonné. 

La musique s'arrête. Il faut bien qu'elle s'arrête un jour. Et on se dit "au revoir" avec le langage des signes. 

Ah ! Ce bref instant de vie pourtant si banal ! Il semble bien qu'il ne soit plus vivable aujourd'hui. 

21 octobre 2020

Se souvenir des belles choses

En ces temps bien difficiles, il est important de se souvenir. 

"Zikaron" comme on dit chez nous. Nous avons ce culte là. Ce culte de la mémoire. Du passé. On pense peut être que le juif est triste car il porte sur ses épaules le poids de la violence de plusieurs siècles de terreur. Mais non. Le juif est joyeux car il se souvient s'être extirpé de toutes les misères et d'être encore debout et entier. 

Alors, moi je décide de poser ces jolies choses accouchées par le desespoir pour continuer à espérer. "Tikva". Comme on dit chez nous. L'espoir. 

 

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